J'ai reçu il y a quelques semaines maintenant, le dernier livre de Barbara Kingsolver, Dans la lumière, pour participer au Match de la Rentrée Littéraire avec Price Minister.
Les déplacements à Paris n'aidant pas, j'ai eu du mal à caser la lecture de ce gros livre dans le temps imparti mais, voilà, je l'ai fini il y a quelques jours et je peux enfin partager cette lecture avec vous.
Dellarobia, une héroïne au prénom d’artiste italien improbable est embourbée au sens propre comme au figuré dans sa vie d’américaine moyenne dans les Appalaches. Mariée très jeune pour cause de grossesse non souhaitée avec le fils d’une famille de red necks locale, elle est coincée de tous les côtés : coincée à la maison avec ses deux enfants, coincée dans la propriété de sa belle-famille qui ne l’apprécie guère, coincée par la pauvreté dans son bled paumé, coincée dans sa tête aussi par son manque d’études, coincée dans son comportement par le poids de la religion, et enfin, coincée dans un corps de gamine peu crédible. C’est son envol, laborieux, pénible, difficile, très lent que nous allons suivre durant les 550 pages de cette lecture.
Cet envol (je parle d’envol et non de Mise en Lumière, comme le suggérerait le titre, car le titre original est Flight Behavior et je reste persuadée qu’on assiste plus à l’envol de Dellarobia qu’à sa mise en lumière) métaphorique est très lié à l’aventure qui ponctue ces pages : des papillons « grand Monarque », ceux qui migrent des centaines de kilomètres, voyageant entre le Mexique et le Canada, font une escale inattendue et imprévue, le temps d’un hiver, dans les montagnes qui dominent la maison de Dellarobia.
Grâce -ou à cause- de ces papillons échoués, la vie de Dellarobia va progressivement se transformer : face à ces événements incompréhensibles , tous les protagonistes de l’histoire vont révéler leur nature profonde, cachée dans leur vie étriquée d'américain très moyen. Dellarobia, quant à elle, de chenille coincée dans sa propre vie, va petit à petit sortir de son cocon pour se transformer en papillon.
Je ne vous en dis pas plus, voilà la quatrième de couverture :
"Dans les Appalaches, au coeur de la forêt, Dellarobia Turnbow aperçoit une lumière aveuglante. La vallée semble en feu. Mais ces reflets rougeoyants n’ont rien à voir avec des flammes. Ce sont les ailes de centaines de papillons qui recouvrent le feuillage des arbres.
Cette étrange apparition devient un enjeu collectif : la communauté religieuse de la ville croit reconnaître un signe de Dieu et certains scientifiques invoquent une anomalie climatique. Toute l’Amérique se met à observer ce coin isolé, ancré dans les traditions rurales : Dellarobia comprend que de simples papilons vont bouleverser sa vie, et peut-être l’ordre du monde."
Dans ce roman (les papillons ne se sont pour le moment jamais arrêtés dans les Appalaches), Barbara Kingsolver fait passer des messages sur le réchauffement climatique, la disparition programmée d’espèces fragiles, comme celle des Grands Monarques que ces grandes migrations affaiblissent, tout comme la disparition de leur habitat naturel. Elle parle aussi de l’emballement des médias pour les faits divers à sensations alors qu’ils ne relaient pas les vraies données scientifiques sur le sujet. Elle prend partie, attire notre attention sur les conséquences irréversibles et désastreuses du comportement de l'homme face à la nature. Mais elle pose aussi les bonnes questions : que peut-on vraiment faire face à ces désastres écologiques annoncés ? Les protagonistes de l'histoire, qu'ils distribuent des tracts, manifestent, s'en remettent à Dieu, étudient les faits, mobilisent les réseaux sociaux, traduisent le phénomène en langage courant et s'interrogent tous à leur manière sur la façon dont ils peuvent contribuer à la prise de conscience collective du problème. Ca fait réfléchir le lecteur aussi !
J'ai beaucoup apprécié l'écriture : Je ne l’ai pas lu en Anglais – une fois n’est pas coutume- , mais la traduction est très à la hauteur, avec des phrases poétiques et imagées très convaincantes, un vocabulaire précis et qui sonne très très vrai.
Un exemple ? "Le soleil, clignotant derrière les nuages, tentait une timide apparition. Partout où le rayon de chaude lumière touchait la chevelure tombante des grappes de papillons, celles-ci s’éclairaient, et les ailes s’ouvraient tout grand en réponse, battant lentement, buvant la chaleur."
Ou encore : "elle alluma une cigarette […] et affronta la nature morte que lui offrait le porche derrière sa cuisine : bottes crottées, cartons, et un quad miniature couché sur le côté, l’air comateux."
On se prend d'affection pour la personne rustre, mais belle intérieurement, qu'est Dellarobia, on veut la secouer, lui dire que, oui, elle peut sortir de sa chrysalide, que non, sa vie n'est pas une fatalité et qu'elle est entourée de personnes qui l'aiment, à leur manière, et que rien que pour cela, sa vie n'est pas ratée. Je me suis prise au jeu, moi aussi, voulant en savoir plus. Pourtant, j'ai eu du mal à rentrer dans le livre, il y a vraiment des longueurs. Longueurs qui sont compatibles avec le long hiver de ce roman et la lente éclosion de Dellarobia, compatibles aussi avec une lecture d'automne au coin du feu : il fait aussi moche dehors que dans le livre, on se sent en symbiose ! Mais longueurs quand même qui m'ont un peu chagrinée...
Alors au final, je vous rassure, j'ai aimé et je vous conseille ce roman féminin et engagé. Si vous avez du temps devant vous, si vous prenez la peine de rentrer dans le livre, vous serez séduite ensuite. Comme je l'ai été et comme je l'avais aussi été pour les autres romans de Barbara Kingsolver que j'ai lus et notamment Un été prodigue.
Si vous n'avez que peu de temps à consacrer à votre lecture, passez votre chemin, les longueurs vous rebuteront...
Je mets donc un 15/20 à cette lecture. Merci encore à Price Minister pour ces Matchs de la Rentrée Littéraire 2013 !
Sur ce, je partage avec vous "ma lumière" à moi, celle des petits matins gelés d'automne...